Contrat de travail maritime international

Textes de référence

Règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, art. 18, 19 et 20.

Règlement 1215/2012 du 12 décembre 2012, art. 20 à 23.

Convention de Rome du 12 juin 1980, art. 6

Règlement 593/2008 du 17 juin 2008, art. 8

Règlement 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, art. 11 §4.

Art. L. 5000-3 et L. 5542-48 Code des Transports.

Synthèse

La conclusion d’un contrat de travail maritime international intervient fréquemment pour un embarquement à bord d’un navire battant pavillon étranger. Classiquement ce contrat est soumis à la loi du pavillon (loi de l’État d’immatriculation du navire) ou à la loi choisie par l’employeur, la société de manning qui a recruté le marin (loi dite d’autonomie), choisie par les contractants, mais de fait imposée par l’employeur.

Un tel contrat international soulève des questions quant à l’identification du tribunal compétent en cas de différend, de litige entre les contractants, et de détermination de la loi applicable à la relation de travail, lorsque le navire est exploité à partir d’un port français.

A savoir

Le droit européen et la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne tendent à l’instar des évolutions nationales, à rattacher la relation de travail du marin au port d’exploitation du navire, sans se préoccuper de l’immatriculation administrative du navire, donc de la loi du pavillon, quand ce rattachement est impossible.

Qu’est-ce qu’un contrat de travail maritime international ?

Un contrat de travail maritime international est un contrat de travail (ou contrat d’engagement), qui concerne un marin, en vue d’un embarquement à bord d’un navire battant pavillon étranger. Il a pour objet un service accompli à bord du navire en vue d’une expédition maritime, pour un emploi relatif à la marche, à la conduite, à l’entretien et au fonctionnement du navire.

Traditionnellement, le contenu de ce contrat est régi par la loi du pavillon, la loi de l’État d’immatriculation du navire. La libre immatriculation du navire permet à son exploitant de l’immatriculer dans des États juridiquement peu exigeant, sans lien véritable avec l’exploitation du navire. Le marin est souvent recruté par une société de manning, qui le rémunère pour le compte de l’armement, en tant que mandataire ou le met à disposition de l’exploitant commercial, étant ainsi l’employeur du marin.

La question complexe est celle du rattachement éventuel de ce contrat de travail maritime international au droit français, quand le navire est exploité à partir d’un port français. Ces questions sont essentielles dans le yachting.

Quel est le juge compétent ? Conflit de juridictions

Ce contrat de travail international, conclu pour un travail à bord d’un navire battant pavillon étranger, peut d’abord être rattaché au droit français par le biais de la procédure de saisie conservatoire. La Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 permet à un créancier maritime de saisir le président du tribunal de Commerce, en vue d’ordonner une saisie conservatoire (art. 7-1). Cette saisie conservatoire peut intervenir en raison de créances salariales impayées des marins notamment. Il appartient ensuite au créancier saisissant de poursuivre devant le juge du fond la reconnaissance de la créance invoquée. Les marins pourront ainsi faire reconnaître leurs créances salariales impayées auprès du conseil des prud’hommes du port de la saisie (Cass. civ. 1, 18 juillet 2000, n° 97-22448, navire Obo Basak).

En l’absence de saisie conservatoire du navire, la situation était complexe, mais s’est simplifiée.

Si le Règlement 44/2201 du 22 décembre 2000 ne s'appliquait que dans la mesure où le défendeur au litige était implanté sur le territoire européen et donc laissait place à l'application de l'article R. 1412-1 du code du travail dans les autres cas, telle n'est plus la situation depuis l'entrée en vigueur du Règlement 1215/2012, entré en vigueur le 10 janvier 2015 (art. 20 à 23).

Le marin pouvait saisir le conseil de prud’hommes de son lieu habituel de travail, le port français où est exploité le navire, considéré comme son lieu habituel de travail, ou le conseil de prud’hommes de son domicile en France, le marin étant considéré comme travaillant hors de tout établissement (Cass. soc. 28 juin 2005, n° 03-45042, navire Nan Shan - CA Aix-en-Provence 13 septembre 2012, n° 2012/501, navire Bristol II of Beaulieu). 
La jurisprudence européenne définit le lieu habituel de travail à travers le lieu où le salarié reçoit ses ordres, ses consignes concernant ses tournées vers les clients ou ses livraisons (pour un chauffeur routier, CJUE, gr. ch., 15 mars 2011, Heiko Koelzsch c/ Luxembourg, aff. C-29/10), où un marin embarque et débarque, le port d’exploitation réel du navire quelque soit son lieu d’immatriculation (CJUE, 4ème chambre, 15 décembre 2011, C‑384/10, Jan Voogsgeerd c/ Navimer SA). La compétence prud'homale a été confirmée postérieurement au décret n° 2015-219 du 27 février 2015 (Cass. Soc. du 28 mars 2018, n° 16-20-746).

L’employeur ne peut agir contre le salarié qu’auprès du  tribunal du domicile du salarié (art. 21, Règlement 1215/2012).

Quelle est la loi applicable au contrat ? Conflit de lois

Le contrat de travail maritime international n’est pas seulement régi par la loi du pavillon du navire, ou la loi d’autonomie « choisie » par les contractants. L’article 6 de la Convention de Rome de 1980 prévoit que la loi d’autonomie ne peut priver le salarié de la protection impérative de la loi du lieu habituel de travail. Même pour des travailleurs mobiles, il est souvent possible de définir le centre de gravité de leurs activités professionnelles (pour un chauffeur routier, CJUE, gr. ch., 15 mars 2011, Heiko Koelzsch c/ Luxembourg, aff. C-29/10). La Cour de Justice a ainsi rattaché un marin hollandais, embarqué sur un navire immatriculé au Luxembourg, doté d’un contrat explicitement soumis au droit luxembourgeois, au port d’Anvers, port d’embarquement, de débarquement, d’exploitation et d’entretien du navire, et au droit belge (CJUE, 4ème chambre, 15 décembre 2011, C 384/10, Jan Voogsgeerd c/ Navimer SA).

Il s’agit alors de combiner la loi d’autonomie et la loi du lieu habituel de travail, en comparant leurs dispositions, objet par objet, et en appliquant les dispositions les plus favorables au salarié. Les immatriculations trop souples perdent une grande part de leur portée, à la condition d’identifier le port d’exploitation réelle du navire. La Chambre sociale de la Cour de cassation exige , quant à l'objet du litige, la comparaison détaillée de la Loi d'autonomie et de la Loi du lieu habituel de travail, même quant il s'agit de la Loi Saint-Vincent-et-les-Grenadines et de la loi française (Cass. Soc. 1er février 2017, n° 15-23723).

Le Règlement n° 593/2008/CE du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit Rome I), est applicable à partir du 17 décembre 2009 pour les contrats conclus après cette date, et s’applique sur le territoire communautaire ; son contenu est semblable à la Convention de Rome de 1980 en ce qui concerne le contrat de travail.

Quelle est la protection sociale du marin ?

Dans le cadre du droit social de l’Union européenne, l’affiliation du marin à un régime de sécurité sociale est déterminée par le pavillon du navire, dans le cadre de la coordination des régimes nationaux de sécurité sociale (art. 11 §4, Règlement 883/2004 du 29 avril 2004).

A bord des navires immatriculés hors de l’Union européenne, la protection sociale des marins doit être conforme aux dispositions minimales de la Convention OIT du travail maritime de 2006.



Cette fiche produite en décembre 2012, est téléchargeable dans les documents associés, son contenu a été mis à jour en avril 2018.

dernière mise à jour le 20/07/2018 à 11:51:39