Affaire Mangouras c/ Espagne CEDH publication sur le Prestige

08/01/2009

Le capitaine d’un pétrolier, gardien de la protection de l’environnement.
Quel Prestige ?

COUR EUROPÉENNE des DROITS de l’HOMME, 3ème Section,
8 janvier 2009
Affaire MANGOURAS c. ESPAGNE
(Requête no 12050/04)


PROCÉDURE 


1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 12050/04) dirigée contre le Royaume d'Espagne et dont un ressortissant grec, M. Apostolos Ioannis Mangouras (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 mars 2004 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me Ruiz Soroa, avocat à Bilbao. Le gouvernement espagnol (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. I. Blasco, chef du service juridique des droits de l'homme au ministère de la Justice.

3. Le requérant alléguait en particulier que le montant de sa caution était excessivement élevé et avait été fixé sans prendre en considération sa situation personnelle.

4. Le 14 novembre 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire.

5. Le gouvernement hellénique, invité à présenter des observations écrites sur l'affaire, n'a pas manifesté le souhait d'exercer ce droit (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du Règlement).

6. M. L. López Guerra, juge élu au titre de l'Espagne s'étant déporté, le Gouvernement a désigné M. A. Saiz Arnaiz pour siéger à sa place en qualité de juge ad hoc (articles 27 § 2 de la Convention et 29 § 1 du règlement de la Cour).

EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
7. Le requérant est né en 1935 et réside en Grèce.

8. Le 13 novembre 2002, le navire Prestige, battant un pavillon des Bahamas, naviguait dans la zone économique exclusive espagnole près des côtes de la Galice transportant soixante-dix mille tonnes de fuel. L'ouverture d'une voie d'eau dans la coque du bateau provoqua le déversement du contenu des cuves dans l'Océan Atlantique.

9. Face au risque de naufrage, les autorités maritimes menèrent une vaste opération de sauvetage de l'équipage. Le requérant, capitaine du bateau, fut transporté en hélicoptère jusqu'aux locaux de la capitainerie de la marine de La Corogne (A Coruña), où il fut arrêté.

10. Le déversement de la cargaison provoqua une catastrophe écologique dont les effets pour la faune et la flore marines se prolongèrent plusieurs mois et se propagèrent jusqu'aux côtes françaises.

11. Par une décision du 17 novembre 2002, le juge d'instruction no 4 de La Corogne estima que les faits révélaient l'existence d'indices suffisants justifiant l'ouverture d'une enquête pénale. Le juge ordonna le placement en détention provisoire du requérant avec possibilité de libération sous condition du versement d'une caution de trois millions d'euros (3 000 000€). Le juge signala que, bien que l'origine de la catastrophe ait été accidentelle, certains éléments du dossier, provisoires à ce stade de la procédure, permettaient de déceler des irrégularités dans le comportement du requérant, telles qu'un manque de collaboration avec les autorités portuaires lorsque ces dernières essayèrent de remorquer le bateau. Cette attitude pouvait donner matière à l'existence en l'espèce d'un délit contre les ressources naturelles et l'environnement ainsi que d'un délit de désobéissance aux autorités administratives. La gravité de ces délits présumés et la nationalité étrangère du requérant, qui manquait d'attaches particulières avec l'Espagne, justifiaient, de l'avis du juge, le montant élevé de la caution.

Vous pouvez vous procurer l'article de Patrick Chaumette paru dans la revue  électronique Neptunus, du Centre de Droit Maritime et Océanique, Université de Nantes, en allant au Vol. 15, 2009/2 ou en la téléchargeant dans les documents associés

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